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Cette page dit en quelques mots l'origine des compoix et reproduit un mémoire du XVIIIème siècle qui détaille les étapes de leur élaboration.

 Historique - Bien que l'Antiquité ait eu souvent recours au recensement des contribuables et des patrimoines dans un but fiscal, ce n'est qu'au XIIème siècle que cette pratique réapparut dans l'Europe du Sud. Pour rendre plus équitable la répartition de l'assiette de l'impôt génératrice de tensions sociales, le modèle romain de déclarations, estimations et inventaires fut réutilisé. Les documents fiscaux, les livres d'estimes, dénombrèrent d'abord les personnes et leur fortune globale avant d'effectuer l'inventaire détaillé de leurs biens, base de la rédaction de véritables cadastres (Vaucluse 1413-1414, Vivarais 1464).
Au XVIIème siècle, la taille, rendue permanente en 1439 pour entretenir l'armée royale, est le principal impôt direct. Profondément inégalitaire dans les pays d'élections où elle pèse sur les seuls roturiers, elle est dite réelle dans les pays d'états et s'applique à tous les propriétaires de biens fonciers non nobles (la grande majorité des terres). Ce sont les états provinciaux, assemblées représentatives des trois ordres, qui négocient le montant de l'impôt, procèdent à sa répartition par diocèses et par communautés, et en contrôlent la collecte.
La répartition des charges entre les individus est effectuée à partir du compoix, registre officiel (en général sans plan) qui détaille, évalue et totalise, sous le contrôle de la communauté, la surface, la nature et la valeur des biens-fonds de chaque propriétaire.

 Étymologie - Compoix (compois, compoids) est utilisé dès le XIVème dans de nombreuses villes du Languedoc. Il dérive du languedocien coumpes "équilibre, contrepoids" (latin compenso, are compenser).
L'abbé Pierre Augustin Boissier de Sauvages, né à Alais en 1710, recommande dans son "dictionnaire languedocien-françois" de 1756 de traduire coumpes par "cadastre" plutôt que par "compoix".

 Élaboration d'un Compoix - (d'après un mémoire du XVIIIème siècle du site Arisitum)
Après une durée d'utilisation indéterminée mais en général supérieure à cent ans, l'ancien compoix ne rend plus suffisamment compte de la valeur réelle des biens-fonds. Il faut le renouveler.
Demande officielle - Le conseil de la communauté, renforcé des plus importants contribuables, décide du renouvellement. La demande justifiée est soumise à l'approbation des commissaires tutélaires. La cour des Aydes de Montpellier prescrit les formalités à observer et nomme un commissaire, généralement le juge du lieu, qui suivra les opérations ultérieures.
Préliminaires - Le conseil de la communauté établit la table du compoix, état qui détermine article par article la manière dont les possessions seront évaluées en établissant pour chaque article trois degrés de qualité divisibles eux-mêmes en trois si c'est nécessaire. Il nomme ensuite des indicateurs de biens-fonds pour visiter le terrain, un arpenteur pour mesurer les surfaces et des prud'hommes experts pour chiffrer les estimations. Le jour fixé pour l'adjudication, l'entreprise du nouveau compoix est attribuée au moins disant. Une fois les contestations éventuelles jugées par la cour des Aydes, la communauté s'adresse au commissaire pour examiner les garanties présentées par l'entrepreneur, passer le bail avec lui et emprunter la somme nécessaire à son paiement.
Exécution - Après que les indicateurs, arpenteurs et prud'hommes experts ont prêté serment, ils exécutent leur travail et les biens-fonds roturiers sont allivrés relativement à l'arpentement, l'estimation qui en est faite, et la table du compoix. Le recueil de ces allivrements constitue le nouveau compoix, registre relié de grande taille, dans lequel la situation, la nature, le degré de valeur et l'imposition des biens-fonds de chaque contribuable sont détaillés, avec de grandes marges pour pouvoir noter les changements de propriétaires (muances) à venir. Il doit contenir un chapitre qui détaille avec précision les biens nobles afin de vérifier qu'aucun bien roturier n'a été omis. Il peut contenir un chapitre des biens abandonnés qui permettrait de les mettre en adjudication, ou de prendre les mesures nécessaires contre les contribuables qui en auraient pris possession abusivement.
Validation - La minute de l'entrepreneur est déposée au greffe de la communauté afin que tous les contribuables puissent en prendre connaissance et faire rectifier les erreurs qui sont intervenues à leur préjudice. L'entrepreneur est tenu pour responsable de son travail et c'est la cour des Aydes qui juge l'exactitude et la validité des contestations souvent très nombreuses. L'ancien compoix continue à être utilisé jusqu'à ce que le nouveau reçoive l'autorisation. Il est alors déposé et enfermé dans les archives de la communauté.

 Biens nobles, biens roturiers -  (suite du mémoire ci-dessus)
En Languedoc, il n'y a pas de privilège pour les personnes en matière de taille (nobles et gens d'église sont soumis aux mêmes obligations que les roturiers).
Suivant les principes du droit romain et les ordonnances royales conformes à ces principes, tout immeuble est censé être roturier cependant, comme pour les Romains les terres données aux soldats pour la garde des frontières de l'Empire, une exception existe en faveur des terres dont la féodalité, et par conséquent la nobilité, est prouvée par des titres, ou qui sont présumées féodales et nobles par la nature de leur dépendance. Il n'existe donc que deux différentes qualités de biens immeubles, les biens ruraux et contribuables qui sont la classe générale, et les biens nobles et féodaux qui sont l'exception.
Les biens ruraux représentent la généralité des biens et, dans le doute, on se détermine pour la roture. Les biens féodaux et nobles représentent un privilège qui doit être restreint dans les bornes les plus étroites possibles. La présomption de nobilité des biens est fondée sur la présomption de leur féodalité. Anciennement noblement possédés par les Rois, Princes, Ducs et Comtes, ils doivent avoir été par eux inféodés noblement à ceux qui les possèdent. Les biens possédés par les seigneurs justiciers sont présumés nobles parce que toutes les justices sont censées émaner du Roi. Il en est de même des biens possédés par les églises principales (cathédrales, abbatiales, commanderies, fondations royales, et même paroissiales) parce que ces biens sont censés faire partie de leur donation, et qu'elle sont censées avoir été dotées par le Roi. On observe toutefois qu'il faut, à l'égard des seigneurs justiciers et des églises paroissiales, que les biens soient situés dans l'étendue de la justice ou de la paroisse.
Il s'en suit, comme dit plus haut, que la noblesse et le clergé ne jouissent d'aucune espèce de privilège à cet égard. L'église, dont on ne cesse de réclamer l'immunité, ne communique pas aux biens qu'elle possède la faveur dont ses ministres jouissent pour les contributions purement personnelles, et les dispositions des lois canoniques prises par les conciles et les papes au sujet de l'immunité des biens ecclésiastiques sont considérées comme des entreprises contre l'autorité du Roi. Néanmoins, les biens-fonds où sont construites les églises, les séminaires, les maisons presbytérales, les maisons religieuses, avec leurs jardins s'il sont contigus aux dites maisons, sont exempts de la taille aussi longuement qu'ils gardent leur utilisation, sans que la qualité de ces biens-fonds soit modifiée.
La nobilité de biens fonds qui ne jouissent d'aucune présomption de nobilité ne peut être prouvé que de deux manières :
- la première par un hommage ancien de plus de 100 ans suivi d'un dénombrement reçu dans les formes.
- La deuxième par des titres qui prouvent que les fonds ont été inféodés noblement aux possesseurs par le Roi, par les seigneurs justiciers ou par quelque église principale. Il faut de plus qu'ils n'aient pas été avilis depuis cette inféodation.
Les biens nobles peuvent être avilis soit par un assujettissement à une redevance rurale ou a quelque droit de cens, champart ou agrier, soit par le paiement de la taille pendant trente années consécutives ou interrompues. On entend par redevance rurale toutes celles qui ont une quelconque espèce d'utilité, sous quelque dénomination qu'elle soit énoncée, et quelque noble que la paroisse la désigne.
Les biens roturiers ne peuvent être ennoblis par aucune transaction. Tout abonnement et composition de tailles est nul de plein droit. Les biens roturiers ne peuvent devenir nobles que par leur réunion au fief et par la voie du déguerpissement (abandon des biens au seigneur), et cette voie a été soumise à tant de formalités qu'elle est rarement pratiquée avec succès. La nature des biens ne change pas par l'abandon qu'en font les propriétaires, ils demeurent toujours soumis à l'impôt et il a été prescrit à ce sujet des règles très sages pour empêcher que les communautés ne demeurent chargées de la taille de ces biens, et pour leur faciliter les moyens de les adjuger aux conditions les plus avantageuses.